Fouras , Fort Vauban
De César au roi de France
S’il y a bien un fort qu’on remarque en Charente-Maritime, c’est bien celui de Fouras. Celui qu’on appelle aujourd’hui Fort Vauban n’a jamais essayé de se cacher. En même temps, essayer de cacher un bâtiment pareil serait un poil compliqué. Et c’est fait exprès : car son but premier n’est pas de couler des navires, mais de faire peur.
Mais avant, il faut savoir d’où il vient pour comprendre sa taille et son armement démesurés. À l’époque romaine, Fouras se situe sur une île et autour de 58 avant J.-C., une fortification romaine, appelé “château de César”, occupe les lieux. Malheureusement, on ne sait pas où exactement, ce qui explique pourquoi il n’y a pas eu de fouilles archéologiques.
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On avance dans l’Histoire jusqu’au XIe siècle, date de la construction du donjon qu’on estime entre 1059 et 1070. Il remplace alors une fortification en bois.
Puis au XIIIe siècle, le fort contrôle l’accès à la Charente et taxe les navires. C’est une position stratégique, militairement parlant, mais aussi économiquement. C’est pourquoi le roi Philippe Le Bel l’achète, ce qui le fait passer dans le domaine royal. Il y a donc près de 800 ans, Fouras était une place hautement stratégique.
C’est ce qui explique le nombre incroyable de batailles autour de la ville. Au fil des siècles et de la Guerre de Cent Ans, le fort changera de mains à plusieurs reprises, entre Anglais et Français. Certes, sa position est stratégique pour contrôler l’estuaire, mais aussi pour surveiller les environs. Du haut du donjon, on domine en effet tout le littoral et l’intérieur des terres. Par beau temps, on peut facilement voir jusqu’à 30 kilomètres à la ronde, c’est-à-dire jusqu’à Surgères, La Rochelle et Marennes.
Vauban a failli faire une bourde !
Voilà où on en est quand Louis XIV ordonne la création de l’Arsenal à Rochefort en 1666. Comme ce sera un point sensible, il faut à tout prix le protéger, d’où la construction d’une série de fortifications neuves. Mais à Fouras, on va devoir patienter car le fort est rénové 23 ans plus tard. Et oui : la ville est déjà dotée d’un fort, aussi vieux soit-il. La priorité est de fortifier des zones sans défenses. En attendant, le fort est doté de canons.
En 1689, on attaque enfin la rénovation. Mais contrairement à ce que son nom laisse penser, ce n’est pas Vauban qui s’occupe du fort ! Heureusement pour nous d’ailleurs…
En effet, célèbre architecte militaire est partisan d’une solution radicale : on rase tout et on construit du neuf par-dessus. Ferry, un autre ingénieur militaire, préfère s’appuyer sur le bâti existant pour l’améliorer et le renforcer. C’est grâce à lui que de nombreuses parties historiques nous sont parvenues.
C’est pas (que) de la gonflette !
L’ingénieur décide donc de blinder les parties anciennes du fort. Il renforce les murs du donjon à 3 mètres d’épaisseur pour supporter les canons installés au sommet, et il ajoute un mur de soutien au milieu de la tour. On peut toujours l’observer dans la crypte. Enfin, les remparts et les tours de la cour médiévale haute sont également renforcés.
En 1705, Ferry fait construire un immense casernement sur l’actuel parking. S’il hébergeait la garnison, il servait aussi de rempart pour le donjon car en cas de débarquement, les envahisseurs devaient passer un prmeier pont-levis, puis un second donnant sur la caserne et passer les soldats avant d’atteindre… le troisième pont-levis, dans le rempart médiéval.
Ce système d’obstacles est présent partout dans le fort : les passages sont pensés pour être étroits, afin de cueillir les ennemis par petits groupes ; des murs, escaliers et pont-levis ont pour but de ralentir leur progression ; enfin, des pièges sont installés, notamment une meurtrière en coin, invisible lorsqu’on avance le long des remparts.
Le plus malin des fers à cheval
Mais tout ne se passe pas comme prévu. Lorsque Ferry fait construire une fausse braie tout autour du fort (une seconde ceinture de pierre en bas du fort et qui longe la côte), il se heurte à un problème : la mer. En effet, cette fausse braie est gagnée sur l’océan, mais il est impossible de stabiliser le coin nord-ouest. Vauban, qui revoit alors les plans, décide de rapprocher le rempart du fort, en laissant un étroit passage pour faire circuler les soldats.
Cependant, cet incident va donner lieu à une curiosité assez géniale : le fer à cheval. Pour contrebalancer cette faiblesse dans le rempart, Vauban imagine une petite avancée en demi-cercle dans la fausse braie. De cette façon, on peut y installer plusieurs canons pouvant tirer à 180° en un minimum d’espace. Malin !
fer à cheval fort vauban
Le fer à cheval permet d’installer un maximum de canons en un minimum d’espace
La forteresse pacifiste
Désormais achevé, le fort de Fouras est un véritable mastodonte. Il possède trois niveaux de feu (le donjon, la cour haute et la fausse braie), 50 canons et une garnison de 300 à 600 personnes, tout en couvrant plusieurs centaines de mètres de côte. Sa forme-même évoque celle d’un navire de guerre : la structure en fer à cheval à l’avant en guise de proue ; sa cour médiévale haute en guise de pont supérieur ; son donjon en guise de mât ; ses remparts en guise de pont.
Pourtant, il n’a jamais eu l’occasion de tirer un coup de feu. Même lors des deux attaques de la rade, en 1757 et en 1809, il ne servira pas. Alors a-t-on construit tout ça pour rien ? Oui et non : il n’a jamais eu à tirer sur des ennemis, mais c’était bien le but !
En effet, le rôle du fort Vauban est surtout d’effrayer les adversaires, de par sa taille et son armement. Et on peut dire qu’il a rempli sa mission avec brio puisque si les Anglais n’ont pas tenté d’attaquer Rochefort lors du raid de 1757, voire n’ont pas poussé plus loin leur offensive en 1809, c’est en partie grâce à la présence du fort Vauban.
Philou